Le tri des otages à Tulle ...
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Das Reich à Tulle
Depuis le lever du jour, les blindés de « Das Reich » ont commencé leurs patrouilles dans les rues. Trois par trois, les soldats casqués et armés frappent aux portes des maisons, les enfonçant si on ne leur ouvre pas assez rapidement. La rafle des Tullistes est en cours. On arrête tous les hommes âgés de seize à soixante ans. Les travailleurs matinaux ont été appréhendés dans la rue. Les autres lors des visites domiciliaires. Les hommes doivent se lever et partir sur-le-champ.
Les soldats allemands leur tiennent les propos suivants : Vérification de papiers... Venir, pas longtemps.
A une mère inquiète, ils déclarent : Madame, soyez tranquille, tout simplement révision de papiers.
A une épouse : Toutes les femmes ici pleurent. Nous ne sommes pas des sauvages... Votre mari reviendra dans une heure. Ici, il y a tellement de terroristes !
A une autre : Vérification de papiers... Rien, n'a besoin de rien... Pas à manger.
A une soeur : Vous n'avez pas besoin de pleurer ; on ne va pas les bouffer, vos hommes.
Plusieurs hommes (qui devaient être exécutés) se sont joints volontairement à des groupes de voisins conduits par les Allemands pour vérifications de papiers .Vers la fin de la matinée, une voiture parcourait les rues de la ville. Le haut-parleur rassurait les Tullistes : Habitants de Tulle, ouvrez vos boutiques, reprenez votre vie normale. La population ne sera pas inquiétée, seul le maquis sera puni.
rafle d'otages à Tulle en 1944
A quatre heures moins le quart, le major Kowatch, officier d'état-major de la division blindée, pénètre dans son cabinet du préfet en compagnie d'un autre officier S.S. Impassible, il indique l'objet de sa visite : une déclaration du Haut Commandement allemand.
Monsieur le Préfet, dit-il, en raison de votre geste humanitaire à l'égard de nos blessés, le Haut Commandement allemand renonce aux sanctions d'abord décidées contre Tulle, c'est-à-dire l'incendie général de la ville et la fusillade de tous les hommes valides. Mais il ne peut pas laisser passer sans réagir l'insulte faite au drapeau allemand. Cent vingt Tullistes, complices du maquis, c'est-à-dire un nombre double de celui de nos camarades trouvés assassinés hier, seront pendus et leurs corps jetés dans le fleuve.
Le préfet crie :
Mais c'est impossible parce que c'est injuste. Vous savez bien que les responsables de la mort de vos soldats ne sont pas dans Tulle. Vous allez tuer des innocents. S'ils vous faut des otages, prenez-moi en tête, prenez l'évêque, le trésorier général, cela fera plus d'effet.
Kowatch sourit d'un air excédé et consulte sa montre.
Votre geste est grandiose (sic) mais inutile, Monsieur le Préfet. Les exécutions ont commencé il y a cinq minutes. Ne les pendez pas, c'est trop affreux !
Je regrette, nous avons pris en Russie l'habitude de pendre. Ceci n'est rien pour nous.
SS à Tulle en 1944
C'est par des affiches que la population apprit le drame qui se préparait. Un officier allemand, guidé par un policier français, s'était présenté au début de l'après-midi à l'imprimerie Orfeuil et, donnant son texte, avait exigé qu'il fût imprimé dans les deux heures qui suivaient.
Les gens, consignés chez eux, ne peuvent dire l'heure à laquelle les affiches furent collées. M. Orfeuil est mort, mais son fils qui a repris l'affaire est formel : les premiers tirages sont sortis entre 15 heures et 15 h 30. Les esprits étaient si troublés ce jour-là qu'un médecin qui est sorti pour décoller une affiche, dont il a fait don au musée de Tulle, est persuadé qu'il a accompli cet acte entre 13 heures et 14 heures.
Voici le document en question, non signé, d'un cynisme révoltant :
Citoyens de Tulle,
Quarante soldats allemands ont été assassinés de la façon la plus abominable par des bandes communistes. La popu­lation paisible a subi la terreur. Les autorités militaires ne désirent que l'ordre et la tranquillité. La population loyale de la ville le désire également. La façon affreuse et lâche avec laquelle les soldats allemands ont été tués prouve que les éléments du communisme destructeur sont à l'oeuvre. Il est fort regrettable qu'il y ait eu aussi des agents de police ou des gendarmes français qui, en abandonnant leur poste, n'ont pas suivi la consigne donnée et ont fait cause commune avec les communistes.
Pour les maquis et ceux qui les aident, il n'y a qu'une peine, le supplice de la pendaison. Ils ne connaissent pas le combat ouvert, ils n'ont pas le sentiment de l'honneur. Quarante soldats allemands ont été assassinés par le maquis, cent vingt maquis ou leurs complices seront pendus. Leurs corps seront jetés dans le fleuve.
A l'avenir, pour chaque soldat allemand qui sera blessé, trois maquis seront pendus ; pour chaque soldat qui sera assassiné, dix maquis ou un nombre égal de leurs complices seront pendus également.
J'exige la collaboration loyale de la population civile pour combattre efficacement l'ennemi commun, les bandes communistes.
Tulle, le 9 juin 1944. Le général commandant les troupes allemandes.
affiches allemande dans les rues de Tulle
Ce mot a pris pour les Tullistes un sens affreux. C'est par ce tri que furent livrés aux bourreaux les quatre-vingt-dix-neuf innocents martyrs de ces aveugles représailles. C'est par lui que quatre-vingt-dix-neuf familles furent plongées dans le deuil.
Selon quels critères s'est-il effectué ? Les hommes avaient été répartis en trois colonnes et personne ne peut dire pour­quoi, en définitive, ce furent ceux-là qui firent partie de la colônne maudite plutôt que tels autres.
La liste des quatre-vingt-dix-neuf martyrs avec leur profession et leur situation de famille n'enseigne rien à ce sujet. Sinon que la pitié était un sentiment inconnu des nazis. La plus jeune des victimes n'avait pas dix-huit ans et la plus âgée quarante-six ans. Six pères de famille de trois enfants ont été exécutés et les professions les plus diverses étaient représentées. Des gens des services publics n'ont pas été épargnés, contrairement aux déclarations des autorités allemandes.
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